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Forme et substance linguistiques

Louis Hjelmslev

pp. 50-51

Lines

Séance du 30 septembre 19371

1En prenant son point de départ dans la doctrine de F. de Saussure (surtout Cours2 157, 169), Hjelmslev discute les rapports entre forme et substance linguistiques, et présente la théorie « glosséma|tique » qu’il a développée dans quelques publications récentes.2 En s’appuyant sur le principe de l’arbitraire du signe, il soutient que la forme linguistique est indépendante de la substance dans laquelle elle se manifeste, et que la forme ne peut être reconnue et définie qu’en faisant abstraction de la substance et en se plaçant sur le terrain de la fonction. En effet l’épreuve même de la commutation, utilisée si largement par la phonologie, est une épreuve purement fonctionnelle et indépendante de la substance particulière ; il s’en|suit que les unités dégagées au moyen de cette épreuve ne sont pas à définir par des critériums de substance mais par des critériums fonctionnels ; ainsi les unités de l’expression ne sont pas à définir par des critériums phoniques,3 comme on le fait en phonologie, et les unités du contenu ne sont pas à définir par des critériums sémantiques, comme on le fait en lexicologie et, dans une certaine mesure, en grammaire. La description et le classement purement fonctionnels des unités, et des éléments dont elles se composent, une fois achevée, l’étude de la substance (phonique, graphique, sémantique) peut et doit s’opérer selon un procédé déductif. L’erreur de la linguistique classique était de vouloir bâtir une théorie inductive, ce qui est par définition chose impossible, parce que la substance ne se reconnait qu’à travers une fore ; privée de la forme, la substance se réduit à une « masse amorphe et indistincte », une « nébuleuse où rien n’est nécessairement délimité » (F. de Saussure). Cette erreur se retrouve dans la phonologie actuelle. Tout en sauvegardant une méthode empirique, qui s’oppose à l’apriorisme de la phonétique classique et de la philosophie, le procédé inductif doit être remplacé par un procédé strictement déductif. – Applications. Conséquences à tirer pour la description de langues, pour l’étude de dialectes, pour la reconstitution d’états de langue préhistoriques, pour la linguistique évolutive, pour la distinction entre familles et associations de langues (parenté génétique et parenté secondaire ; ce dernier point, qui se rapporte surtout au rapport présenté par Jakobson au IVe Congrès international de linguistes (Actes, p. 48 sv.) sera repris sur la même base dans la Revue des Etudes indo-européennes, t. II, 1939 : Etudes sur la notion de parenté linguistique, Deuxième étude).

    Notes

  • 1 [Texte publié en français en (1939), Bulletin du Cercle Linguistique de Copenhague, 4, pp. 3-4].
  • 2 Cf. Bulletin du Cercle Linguistique de Copenhague, 2, p. 14 sv. (avec renvois) ; Mélanges linguistiques offerts à Holger Pedersen, Acta Jutlandica IX, 1, p. 34 sv. ; Mélanges de linguistique et de philologie offerts à Jacq. van Ginneken (Paris 1937), p. 51 sv. ; Studi baltici, VI, p. 1 sv. (avec renvois) ; Belićev zbornik (Mélanges A. Belić) (Belgrade 1937), p. 315 sv. ; Nordisk Tidsskrift for Tale og Stemme, II, p. 153 sv.; Archiv für vergleichende Phonetik, II, fasc. 3; Actes de IVe Congrès international de linguistes (Copenhague 1938), p. 140 sv. – La communication de Hjelmslev a été présentée aussi, avec quelques modifications, au Cercle linguistique de Prague le 25 octobre 1937 ; on en trouve un résumé succinct, en langue tchèque, dans Slovo a slovesnost, IV, p. 128.
  • 3 Cf. aussi J. v. Laziczius, Ungarische Jahrbücher, XV, 1935, p. 205 sv.

Publication details

Published in:

Hjelmslev Louis (2022) Essais et communications sur le langage, ed. Cigana Lorenzo. Genève-Lausanne, sdvig press.

Pages: 50-51

Full citation:

Hjelmslev Louis (2022) „Forme et substance linguistiques“, In: L. Hjelmslev, Essais et communications sur le langage, Genève-Lausanne, sdvig press, 50–51.