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Connectif et voyelle thématique en hongrois

Louis Hjelmslev

pp. 74-76

Lines

Séance du 16 mai 19401

1 Généralités préliminaires.2 Le hongrois connaît des modulations qui permettent d’établir des nexus d’expression. Les syllabes ne se laissent pas identifier sur la base des éléments manifestés par l’intensité ou par le ton ; l’intensité est en hongrois la manifestation d’un signal du « mot » d’expression (un « accent fixe », lié mécaniquement au début du mot selon la description classique). Par contre on peut reconnaître les syllabes grâce à l’« harmonie vocalique » : a magyar-oknak « aux Hongrois », a cseh-eknen « aux Tchèques ». On voit donc qu’en hongrois les voyelles phonologiques sont des manifestations d’accents cénématiques engagés dans un rapport de rection. Les consonnes phonologiques ne manifestent donc pas de consonnes cénématiques (voyelle et consonne étant des notions complémen|taires). Par contre, elles manifestent des constituants indifférents à la distinction entre voyelle et consonne, qui est d’ailleurs inconnue dans la langue hongroise.

2Déplacement dans le domaine des accents. L’accent intrus, qui est très fréquent dans la flexion hongroise (par exemple l’accusatif asztal-t mais hal-a-t, pad-o-t, du nominatif asztal, hal, pad), ne saurait être un connectif dans tous les cas, ni appartenir toujours au thème du mot (« voyelle thématique ») ; aucune de ces options, essayées par la grammaire, n’est exempte de contradiction. Il faut donc se résigner à admettre parfois l’une et parfois l’autre, selon les conditions qui se présentent et qu’il convient de fixer. Or pour affirmer qu’un a/e ou un o/ö/e appartiennent au thème du mot, il faut pouvoir soutenir que, sous certaines conditions, ces éléments se manifestent par zéro : c’est la seule explication possible du nominatif. On peut en effet admettre que, autant à la fin d’un mot que dans certaines autres positions, 1° a et e se manifestent par zéro (« ágy » = ágya),3á et é se manifestent par « a » et « e » respectivement (« fa » = ), 3° áa et ée se manifestent par « á » et « é » respectivement : en effet «  » est à tous points de vue parallèle à ház-a, donc = ráa ; on conclut par généralisation que « - »/«- » est = -váa/-vée. Ce calcul s’équilibre, et permet en même temps de simplifier considérablement certaines difficultés inhérentes à la structure de la langue hongroise.

3Norme et usage. Le hongrois est une langue où la tension entre la norme et l’usage (en l’espèce, entre la norme de l’expression d’une part, et la prononciation et la manifestation graphique de l’autre) est particulièrement forte.

4Thèmes en accent (sans constituant final). a/e se manifeste par zéro en fin de syllabe, et donc aussi en fin de thème 1° devant la désinence zéro, 2° devant une désinence comportant une syllabe au moins. Ex. : « ágy ágy-a-t ágy-a-k ágy-nak ágy-ban » = ágya ágya-t ágya-k ágya-ban. La désinence du pluriel « -k » est -ka, d’où l’accusatif « -k-a-t » = -ka-t. Les suffixes personnels « -m, -d, -nk, -tok, -(j)uk » sont -ma, -da, -nka, -toka, -(j)uka, d’où l’accusatif « -m-a-t » etc. = -ma-t.

5Thèmes en constituant, à connectif o/ö/e. Le connectif se présente (conformément aux règles de syllabation posées par la norme) 1° devant k, d’où le pluriel asztal-o-ka etc., 2° devant d’autres constituants, si le constituant final de thème n’est pas l n ny ly j r. Cependant, du point de vue de la norme, la règle (2°) n’est que facultative : à l’accusatif, l’usage ne l’utilise pas pour les thèmes en -s, -sz et -z (asztalos-t), et pour les thèmes dont la finale est composée de deux constituants, l’utilisa|tion n’est que partielle et suit des règles arbitraires : au préterit, l’uti|lisation du connectif n’est pas d’usage pour les thèmes intransitifs polysyllabiques du type iktelen et terminés par -ad-/-ed-; on est là en présence d’une règle dont la complexité est typique d’un usage qui est à la fois arbitraire et bien fixé. Un verbe tel que mond admet indif|féremment les formes sans et avec connectif. 3° devant un -t homosyllabique, si le constituant final de thème est l, ly, n, ny, j, r, s, sz ou z précédés immédiatement d’un autre constituant ; cette règle est facultative, l’usage étant réglé selon des préceptes arbitraires.

    Notes

  • 1 [Texte publié en français en (1941), Bulletin du Cercle Linguistique de Copenhague, 6, pp. 12-13].
  • 2 La communication de Hjelmslev sera publiée in extenso autre part.
  • 3 La notation habituelle (orthographe) est mise entre guillemets. La notation sans guillemets représente l’interprétation cénématique de cette manifestation.

Publication details

Published in:

Hjelmslev Louis (2022) Essais et communications sur le langage, ed. Cigana Lorenzo. Genève-Lausanne, sdvig press.

Pages: 74-76

Full citation:

Hjelmslev Louis (2022) „Connectif et voyelle thématique en hongrois“, In: L. Hjelmslev, Essais et communications sur le langage, Genève-Lausanne, sdvig press, 74–76.