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Discussion sur l'article de Hansen

et sur les fonctions syntaxiques traditionnelles

Louis Hjelmslev

pp. 177-179

Lines

Séance du 12 décembre 19501

Discussion sur l’article de Aage Hansen : On the So-Called Indirect Object in Danish – points particuliers (le prédicatif danois).2

1[Hjelmslev] est de l’avis que dans det er mig, etc. (it’s me, etc.) on a un usage normal du « translatif ». Il n’existe qu’un cas en danois pour l’objet et pour le prédicatif.

2[Aage Hansen] objecte qu’il existe une différence entre l’objet et le prédicatif. Tout d’abord, les adjectifs peuvent jouer eux aussi le rôle de prédicatifs ; ensuite, le sujet et le prédicatif s’accordent, et cela s’applique pour les prédicatifs adjectivaux et nominaux, comme de er syge (they are ill) :3 de er lærere (they are teachers), mais pas pour les objets.

3[Hjelmslev] suggère de dire que, dans he wrote a book, a book sélectionne he wrote, et non le seul wrote. Si Aage Hansen a choisi cette dernière possibilité, c’est parce qu’il peut y avoir des constructions comme to write books, dans lesquelles il n’y a pas de sujet.

Discussion sur les fonctions traditionnelles, par rapport à celles envisagées par la glossématique (suite).

4[Aage Hansen] est de l’avis que l’analyse de stenmur (stone wall) entamée par E. Fischer-Jørgensen ne peut pas être considérée com|me terminée une fois qu’on a dit qu’il y a combinaison entre sten et mur : en tant que premier membre du composé, sten a une signification spéciale qui vient de sa position en tant que modificateur.

5[Fischer-Jørgensen] répond qu’il n’y a pas de discordance entre les deux perspectives : du point de vue des fonctions glossématiques, il y aura une combinaison ; mais sur la base de l’analyse traditionnelle, on a une subordination, ce que personne ne nie. On a affaire ici à deux formes d’analyse différentes. La subordination est une fonction entre des variantes. Il est possible qu’elle soit établie sur la base du seul signifié dans un grand nombre de langues ; elle peut toutefois se révéler être une fonction linguistique dans les langues où l’on peut prouver qu’elle a une expression, par exemple un ordre particulier des mots.

6D’après [Hjelmslev], les fonctions syntaxiques ne sont que des fonctions entre des variantes, fonctions établies sans égard pour ce qui rend ces variantes telles qu’elles sont. Ces fonctions s’appuient selon toute probabilité sur une analyse du signifié réalisée indépen|damment de la langue en question. Il faut envisager au moins trois types de fonctions (qui s’entrecroisent dans une certaine mesure) : celles qui relèvent de la syntaxe traditionnelle (subordination, coordination, prédication), celles qui relèvent de la glossématique (sélec|tion, etc.) et finalement le gouvernement (y compris l’accord). Hjelmslev conçoit les membres de la phrase, comme par exemple le « sujet », comme des catégories de variantes.

7[Fischer-Jørgensen] répond que – selon ce que Hjelmslev vient d’avancer – peu importe la grandeur qui joue le rôle de sujet. Le sujet n’est qu’un fonctif d’une fonction. Ce qui est important, c’est de définir les fonctions (prédication, subordination et coordination) et, à partir de celles-ci, leurs fonctifs.

8[Hjelmslev] se déclare d’accord avec Aage Hansen quant à la description du complément d’objet indirect en tant qu’objet qui sélec|tionne une séquence contenant un objet direct. L’objet indirect est le fonctif sélectionnant, puisqu’il peut être éliminé. Dans he gave her a kiss, her sélectionne le reste parce que he gave a kiss peut se présenter tout seul, ce qui n’est pas possible dans le cas de he gave her ayant her comme objet indirect (her peut ici remplir le rôle de complément d’objet direct : il ne peut pas y avoir d’objet indirect sans un objet direct).

9P.S. rajouté postérieurement par Fischer-Jørgensen – Si l’on consi|dère la question de ce point de vue, on peut dire que dans les cas où il n’y a qu’un seul objet, il ne s’agira que de l’objet direct ; mais dans des cas comme he gave her a kiss on ne peut pas dire quel type d’objet est présent, car les deux peuvent être également éliminés. Ce genre de cas se présente assez fréquemment. En effet, cela ne peut être établi que 1) à partir de l’analyse du seul signifié (en excluant kiss on aura un changement majeur dans le signifié) ou 2) sur la base de critères d’expression, par exemple l’ordre des mots (à condition qu’il soit fixe).

10D’après [Aage Hansen], il faut toujours présupposer la connaissance du signifié. Mais l’analyse ne doit pas être basée sur le seul signifié. Toutefois, dans des phrases comme he gave her a kiss, le danois et l’anglais ont un ordre des mots fixe et il n’y a par conséquent aucune difficulté à déterminer le type d’objet dont il s’agit.

    Notes

  • 1 [Texte publié en français en (1970), Bulletin du Cercle Linguistique de Copenhague, 8-31, pp. 148-150].
  • 2 Recherches Structurales, TCLC V, 1949, pp. 198-204 – Le complément d’objet indirect est aussi discuté à l’item 2 et à l’occasion de la séance du 19 décembre 1950.
  • 3 Dans l’exemple danois, l’adjectif syg (malade) a une désinence plurielle en -e.

Publication details

Published in:

Hjelmslev Louis (2022) Essais et communications sur le langage, ed. Cigana Lorenzo. Genève-Lausanne, sdvig press.

Pages: 177-179

Full citation:

Hjelmslev Louis (2022) „Discussion sur l'article de Hansen: et sur les fonctions syntaxiques traditionnelles“, In: L. Hjelmslev, Essais et communications sur le langage, Genève-Lausanne, sdvig press, 177–179.