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Nombre et genre grammaticaux

Louis Hjelmslev

pp. 406-426

Lines

Den, som kun
tar spøg for spøg
og alvor kun
alvorligt
han og hun
har faktisk fattet
begge dele
dårligt 1
Kumbel (Piet Hein)

1Christen Møller2 m’a suivi dans les domaines les plus divers de ma vie, en nivelant ma voie et en la croisant à plusieurs reprises. Étant tellement versé dans l’art des combinaisons et des inventions, sérieuses comme facétieuses, il m’a rencontré à des étapes attendues et (surtout) inattendues de mon chemin. La première fois que nous nous sommes rencontrés sérieusement (mais aussi facétieusement), c’était en 1934, quand je prenais mon poste comme professeur à l’Université d’Aarhus. Comme on le sait, cette Université avait été fondée six ans auparavant, sous le nom pompeux d’« enseignement universitaire du Jutland ». Il est assez significatif que, étant donné la rapide floraison de cette institution, lorsque j’y arrivai (grâce à mon « escapade » à l’université « dano-occidentale », pour utiliser deux termes de Christen Møller), je me considérai évidemment comme le petit nouveau, tandis que Christen Møller était un des Grands Vieux (aussi appelés « les coraux » dans l’argot particulier de l’uni|versité d’Aarhus, comme j’ai pu apprendre plus tard). Ce fut donc un honneur et une joie pour moi que Christen Møller – peut-être le premier linguiste-théoricien d’Aarhus, après Jacob Madsen, des œuvres duquel il était éditeur et curateur (laissons de côté Karl Verner, qui est un cas à part) – manifestât un vif intérêt pour mon travail, notamment en suivant mon premier cycle de leçons intitulé « Sprogsystem og sprogforandring » [Système linguistique et changement linguistique]. Et même si je pourrais nommer, comme du reste je viens de le faire, d’autres aspects de Christen Møller, c’est précisé|ment en tant que théoricien de la langue que je voudrais le célébrer aujourd’hui, en le remerciant, entre autres, d’avoir toujours repris, en paroles et en chansons, sérieusement et en plaisantant, les leçons susmentionnées, et notamment celles qui concernaient le nombre et le genre grammaticaux, ou, comme on le dit ex cathedra, numerus et genus. C’est pour cette raison que j’ai cru aujourd’hui qu’il pouvait être amusant de reprendre et de tresser, dans la couronne des hommages, certaines considérations grâce auxquelles j’essaye de choquer les auditeurs innocents. Il s’agit de considérations que j’avais déjà formulées quelques années auparavant, quand j’enseignais à l’Université de Copenhague, et que je maintiens encore, pour parler dialectiquement, dans l’esprit de Kumbel et de Christen Møller.

1 | Commun et neutre

2Dans le tableau n° 81 de la Kort over de danske folkemål [Carte des langues régionales danoises] de Bennike & Kristensen, la part occi|dentale du Jutland du Nord (y compris le lieu de naissance de Christen Møller) est teinte en rose – couleur qui en soi peut paraître gaie, si elle ne recouvrait une annotation à la fois déprimante et surprenante : « Il n’existe qu’un genre ». Il faudrait comprendre cette expression plutôt comme « Il n’existe aucun genre ». Dans ce type de classes de formes grammaticales, en effet, ou bien il ne doit y avoir aucun membre, ou bien il faut qu’il y en ait au moins deux : par exemple, deux genres grammaticaux (un masculin et un féminin, ou bien un genre commun et un genre neutre, ou d’autres encore) ; ou bien deux nombres grammaticaux (par exemple un singulier et un pluriel). Cela n’a en revanche aucun sens de penser qu’à l’intérieur d’une classe de ce type il n’y ait qu’un seul membre. Si, en outre, on voulait analyser le contenu sémantique de ces deux ou plusieurs membres (à condition de croire qu’il y existe un tel contenu), on devrait les mettre l’un en face de l’autre en tant que termes contraires, là où ce serait possible, comme par exemple dans le cas de l’allemand der Mündel et die Mündel « le mineur, la mineur », der See et die See « le lac, la mer ».

3À la page 158 de la Kort over de danske folkemål, les auteurs ajoutent toutefois qu’« il n’est pas correct d’affirmer que le jutlandais occidental ne présente qu’un genre, mais plutôt que la distinction entre les deux genres se trouve ailleurs qu’en danois ». Et ce faisant, l’affirmation initiale elle-même s’annule, car elle est inexacte. Le pronom présente les formes den et det, c’est-à-dire le commun et le neutre, et il est aussi possible de distinguer entre den gamle et det gamle, den gode et det gode, « en indiquant avec det le grain, l’orge, le seigle, le fromage, le lait » tandis que « tout ce qui est conçu en tant qu’un seul objet ou un même concept, est indiqué par le genre commun ». En d’autres termes : là où il y a une opposition nette, on utilise le genre neutre pour indiquer une quantité « indéfinie », la masse, l’informe, ou le non-formé, l’indistinct, l’illimité, ce qui est en quelque sorte perçu comme quelque chose en expansion, qui s’étend ; pour ce concept j’ai proposé un terme : l’expansif. Au contraire, le genre commun est utilisé pour désigner un objet défini et formé, un individu, ce qui est en quelque sorte perçu comme une chose unifiée, délimitée, bien circonscrite ; pour ce terme j’ai proposé le terme de concentré.

4Ce qu’il y a d’intéressant, c’est qu’on retrouve presque la même différence entre le commun et le neutre du danois standard dans des cas évidents comme den øl et det øl, øllen et øllet, den mælk et det mælk, denne lærred et dette lærred, nogen et noget, ingen et intet, tout comme dans le cas des démonstratifs den et det (Diderichsen, Elementær dans Grammatik, pp. 91 et suiv.). Outre les formes du pronom démonstratif den et det, le danois standard ne dispose que de quelques moyens expressifs supplémentaires. Cependant l’autre affirmation de Bennike et Kristensen, selon laquelle dans le jutlandais occidental la distinction de genre se trouve ailleurs qu’en danois, est intenable.

5En fait, je crois qu’en jutlandais occidental la distinction est même plus nette et plus logique qu’en danois standard. Dans cette dernière langue, la présence d’une indication de genre, non seulement avec les mots den / det mais aussi avec l’article enclitique et les adjectifs (tout comme dans les pronoms) fait en sorte que les règles grammaticales mécaniques demandent toujours la présence d’un substantif décliné selon un de ces genres, donc également là où il n’y a aucune représentation consciente attachée. Dans ce cas, la forme grammaticale est sémantiquement immotivée, et seul le grammairien, quand il ne veut pas recourir à des explications diachroniques, mais seulement décrire synchroniquement l’état de langue, peut essayer de la motiver grâce à des artifices plus ou moins évidents. Cela est un aspect assez fréquent dans les formes grammaticales : qu’on songe au fait qu’en allemand le masculin et le féminin sont apparemment bien motivés quand il s’agit de l’indication d’une personne, tandis que dans plusieurs autres cas, ils apparaissent peu sinon nullement motivés.

6Les représentations qu’on peut attacher au jutlandais occidental et au danois dans l’opposition entre le neutre, ou « genre de la substance », et le commun, ou « genre de la forme » (définitions proposées par Diderichsen), concernent la nature matérielle de l’objet en question, son degré de compacité etc., c’est-à-dire sa consistance. L’opposition entre expansion et concentration est un des couples de termes opposés qui entrent dans la zone sémantico-grammaticale de la consistance.

2 | Collectif

7Dans cette section, et plus largement dans cette brève contribution, je vais parler de certaines de mes « obsessions » qui, comme je viens de le dire, remontent à très longtemps. J’ai pu approfondir mes recherches sur le genre collectif d’une part au cours d’une série de discussions qui ont eu lieu au Cercle linguistique de Copenhague, discussions promues par H. Sten et puis publiées sous le titre « Le nombre grammatical » dans les Travaux du Cercle Linguistique de Copenhague, IV (1949), et d’autre part à l’occasion de certains entretiens, consacrés notamment aux problèmes de la classification grammaticale, qui ont eu lieu il y a deux ans à l’Université de Copenhague. Je tiens à remercier tous les membres du Cercle linguistique et mes étudiants, à la fois danois et étrangers, qui ont contribué à l’éclaircissement du problème.

8Dans beaucoup de langues bien connues, à l’intérieur du pluriel, il y a des formes doubles qui se subdivisent de telle façon que l’une est utilisée principalement pour désigner une pluralité bien définie, une quantité (possiblement dénombrable), une dispersibilité, la représentation de quelque chose qui se propage, qui se répand, etc., tandis que l’autre forme du pluriel est principalement utilisée pour désigner quelque chose qui se présente comme une unité organique, une masse. On pourrait appeler pluriel la première forme, au sens strict du terme, et collectif la seconde forme.

9Exemples :

collectif pluriel
danois øjne øjer
øren ører
skatte skatter
pjalter pjalse
allemand Worte Wörter
Lande Länder
Orte Örter
Tuche Tücher
anglais pence pennies
brethren brothers
kine cows
latin loca loci
carbasa carbasi
français yeux oeils
cieux ciels

10Peter Jørgensen (Tysk grammatisk, I, 1953, p. 63) affirme à ce propos que « la différence entre Worte et Wörter peut être aussi con|sidérée comme une différence sémantique similaire à l’évidente diffé|rence sémantique entre Tuche et Tücher […], ce qui nous amène à adopter deux homonymes pour le singulier : Wort 1 ‘mot’ (quand il est contextualisé) et Wort 2 ‘vocable’, Tuch 1 ‘tissu, étoffe’ et Tuch 2 ‘foulard’, etc. ». On pourrait ici objecter que la différence entre Wort 1 et Wort 2 n’est pas claire. Mais la considération de Peter Jørgensen concorde parfaitement avec l’approche traditionnelle selon laquelle cette « irrégularité » (tout comme les autres) renvoie au domaine lexical qui est beaucoup plus instable que le domaine grammatical.

11On adopte ici la considération générale selon laquelle, sous certaines conditions, il peut y avoir dans une langue une fusion (syn|crétisme) entre deux formes. Dans la majorité des « formes du pluriel » des langues susmentionnées on trouve une telle fusion entre collectif et pluriel. De même, il peut aussi arriver que le collectif et le singulier fusionnent :

singulier et collectif pluriel
danois sten stene
fisk fiske
orm orme
knæ knæer
snes snese
fod fødder
mand mænd
allemand Fuss Füsse
Mann Männer
Stück Stücke
anglais fish fishes
dozen dozens
million millions
people peoples

12Comme on peut l’observer, si l’on tient compte de ces exemples, le nombre des collectifs augmente considérablement.

13On peut observer une fusion complète des trois nombres en aar, faar, pund, dyr, haar.

14Une autre considération générale est qu’une catégorie grammaticale est souvent constituée de telle sorte qu’un membre est extensif (« non marqué », danois umarkeret) et l’autre intensif (« marqué », danois markeret). Le trait distinctif symptomatique réside dans le fait qu’un membre extensif peut remplacer l’intensif, en se substituant à ce dernier. On appelle « participation » cette fonction parti|culière. En danois (tout comme dans les autres langues susmention|nées) le pluriel est intensif par rapport au collectif (ou au collectif-singulier) qui est à son tour extensif, comme c’est évident dans les cas de sten, fisk, knæ, formes qui peuvent être utilisées à la place de stene, fiske, knæer, tout en ayant la représentation d’une pluralité bien dispersée. Des participations plus intriquées ou réciproques peuvent aussi se produire.

15Finalement, une troisième considération générale est qu’un mot peut manquer de certaines formes (il peut être défectif).

16Pour établir le contenu significatif des nombres grammaticaux, il faut tout d’abord préciser qu’ils ne désignent pas toujours et avec certitude une quantité au sens mathématique du terme : un ou plusieurs. Si l’on voulait établir la signification du nombre grammatical exclusivement à partir de ce paramètre, il faudrait pouvoir le considérer comme motivé quand il s’agit d’objets dénombrables. Mais il serait plus adéquat de trouver une solution qui puisse recouvrir plus d’utilisations, et de considérer l’utilisation mathématique du nombre comme un cas particulier. Le singulier et le pluriel au sens strict sont deux membres qui déterminent l’opposition principale à l’intérieur du nombre : deux pôles complètement opposés. J’ai proposé de considérer le singulier comme désignant la représen|tation d’une totalité cohésive et bien soudée, indivisée, compacte, et le pluriel comme désignant à son tour ce qui est dispersé, subdivisé, discret. Cela est particulièrement évident dans ces langues où une grande partie des substantifs se présentent à la fois au singulier et au pluriel, cf. le français la neige, pour la neige à terre, et les neiges, pour la neige dans l’air (ici pourtant le singulier est extensif et peut remplacer le (collectif-) pluriel). Évidemment, il n’est pas surprenant que, tout en se référant à la même chose, le concept reflété par la forme linguistique puisse changer en fonction des diverses commu|nautés linguistiques : danois pengene (coll. plur.), français l’argent (sing.) ; danois lønnen (sing.), français les gages (coll. plur.) ; danois ferien (sing., et plur. ferierne pour indiquer plusieurs congés séparés, donc un pluriel au sens strict), français les vacances, allemand die Ferien, anglais holidays (évidemment tous des collectifs-pluriels).

17En reconnaissant l’existence d’un nombre collectif en danois, Diderichsen (p. 98) affirme que le collectif doit occuper une position intermédiaire entre le singulier et le pluriel au sens strict : le collectif combine la représentation de quelque chose de discret et de quelque chose de compact, il désigne la représentation de quelque chose qui est en même temps discret et compact, l’un et l’autre à la fois. Le même raisonnement vaut, d’une façon légèrement diffé|rente, pour le duel (total) dans les langues qui possèdent cette forme ; et du reste il est possible d’entrevoir une parenté évidente entre le collectif et un duel hypothétique dans des cas comme øjne, øren, knæ.

18Cela est d’autant plus évident que l’opposition entre compact et discret est aussi une opposition de consistance. Il s’agit donc d’un autre couple de termes opposés qui rentrent dans le concept significatif grammatical de la consistance. Cela pourrait donner à penser que le genre et le nombre ne sont que deux aspects (dimensions) d’une même catégorie grammaticale, ce qui est d’ailleurs confirmé par le fait que le genre et le nombre partagent toujours les mêmes rapports de rection.

3 | Pluriel et genre

19Quand, à l’intérieur de la même catégorie d’une langue, l’on retrouve deux couples de termes opposés logiquement, comme ceux à l’intérieur de la catégorie du nombre-genre, on pourrait penser que la langue garde ces deux aspects (ou « dimensions ») nettement séparés, mais on peut aussi observer que la langue dispose de tellement peu de membres à l’intérieur d’une même catégorie (ou bien qu’elle les répartit de façon à ce que les deux dimensions se fondent sur une seule) que l’on peut utiliser ces membres pour indiquer indistinctement les deux couples d’opposés. Le latin semble posséder un système optimal qui inclut une dimension de nombre et une dimension de genre, ayant six membres distincts et plusieurs participations et fusions possibles :

masculine féminin neutre
singulier masculin singulier féminin singulier neutre singulier
pluriel-collectif masculin pluriel-collectif féminin pluriel-collectif neutre pluriel-collectif

20Si l’on prend en considération des langues comme l’allemand (je me réfère principalement à l’allemand standard), le danois ou le jutlandais occidental (dont les formes plurielles, très compliquées du point de vue phonétique, ont été soigneusement exposées par Christen Møller dans le mémoire In memoriam Kr. Sandfeld, 1943), on peut s’apercevoir qu’il n’y a jamais aucune différence de genre au sein du pluriel (ou du collectif), mais seulement au sein du singulier. En allemand, on a le masculin der (génitif : des, dessen), le féminin die (gén : der, deren), le neutre das (gén : des, dessen), le pluriel (masculin, féminin, neutre) die (gén : der, deren, derer), et ainsi de suite pour d’autres mots adjectivaux ou pronominaux. En danois (en faisant provisoirement abstraction de han et hun, voir ci-dessous) on a le commun den, le neutre det, le pluriel (commun et neutre) de.

21S’il y a deux catégories grammaticales différentes qui s’entre|croisent avec des rapports de rection différents et réciproques, on peut dire qu’une catégorie détermine une fusion des membres à l’intérieur de l’autre ; par exemple, en allemand le mot Knabe (abstraction faite de l’article et d’autres mots correspondants) ne distingue aucun cas dans le (collectif-)pluriel, comme la forme Knabe vaut pour tous les cas : on dirait donc que la classe de flexion à laquelle Knabe appartient, en concomitance avec le pluriel, déter|mine une fusion totale entre les cas, qui du reste sont tout à fait présents en allemand (le collectif-pluriel datif se laisse interpréter comme Knaben-n).

22Je crois cependant qu’il n’y a aucune nécessité de recourir à une description aussi complexe quand on a affaire à deux couples de termes opposés d’une façon intrinsèquement logique à l’intérieur d’une même catégorie. Contrairement à la conception que l’on vient de présenter, donc, je propose de dire tout simplement qu’en allemand la catégorie du nombre-genre a cinq membres, à savoir : masculin, féminin, neutre, collectif et pluriel ; et que, de même, en danois la catégorie du nombre-genre inclut quatre membres, à savoir : commun, neutre, collectif et pluriel. Dorénavant, par conséquent, les termes « masculin », « féminin », « neutre » et « commun » indiqueront ce que la grammaire traditionnelle appelle respectivement « masculin-singulier », « féminin-singulier », « neutre-singulier » et « commun-singulier », tandis que les termes de « collectif » et « pluriel » indiqueront ce que la grammaire traditionnelle, si elle est cohérente, devrait appeler « masculin-féminin-neutre-pluriel » pour l’allemand et « commun-neutre-pluriel » pour le danois. Il en découle une conséquence amusante : dans le verbe allemand il faut concevoir le « singulier » comme une fusion de masculin, féminin et neutre.

23On ne peut pas nier toutefois que dans la plupart des cas les substantifs ont un seul genre mais deux nombres. Ceci n’est qu’un exemple de ce qu’on a remarqué ci-dessus : un mot peut être défectif, c’est-à-dire qu’il peut manquer de certaines formes ou membres d’une catégorie. Et si l’on voulait croire que c’est une difficulté, alors cette même « difficulté » devrait se présenter à la fois pour la conception traditionnelle qui prévoit trois genres pour l’allemand et deux pour le danois, tout en admettant que les substantifs sont en général fortement défectifs comme on l’a indiqué, et pour les substantifs qui ne se présentent qu’au singulier sans aucun pluriel (comme par exemple le mot elskov), ou qui ne se présentent qu’au pluriel sans aucun singulier (par exemple, dans le danois standard, le mot for|ældre). En allemand, on a donc :

système général masculin féminin neutre collectif pluriel
systèmes particuliers masculin féminin neutre collect-pluriel
masculin collect-pluriel
féminin collect-pluriel
neutre collect-pluriel
neutre collectif pluriel
etc.

24Prévoir pour l’allemand ou pour le danois national un schéma bidimensionnel comme celui du latin, ce serait établir ce que Otto Jespersen appelait une squinting grammar : une grammaire strabique qui louche sur le côté du latin. Dans la description, la différence substantielle de système entre le latin, d’un côté, et l’allemand et le danois standard, de l’autre, tout comme la variation historico-linguistique fondamentale entre une phase ancienne et une phase plus moderne restent forcément cachées.

25La stricte interdépendance entre nombre et genre est donc encore plus évidente : elle devient une identité. Si l’on prenait en consi|dération une famille linguistique comme la famille sémitique, on verrait encore plus clairement quels avantages nous offre cette dé|marche. D’après la conception traditionnelle, le sémitique n’a que deux nombres, à savoir le singulier et le pluriel (parfois plus), et que deux genres, invariablement le masculin et le féminin. Mais ceux-ci se présentent aussi tellement entrelacés que la grammaire traditionnelle a beaucoup de difficultés à les démêler : la langue sémitique dispose de ladite « polarité », qui explique entre autres le phénomène pour lequel dans certaines circonstances un substantif masculin singulier devient féminin au pluriel et vice versa. Le principe de simpli|cité demande de pouvoir compter sur une catégorie du nombre-genre unifiée, même si, dans le détail, elle se réalise différemment dans nos langues.

4 | Féminin et masculin

26Il ne faut pas considérer le titre de cette section comme une manifestation de politesse semblable à la formule « les femmes d’abord ». La tradition veut que l’on dise plutôt le contraire : d’abord le masculin et après le féminin – c’est ce qu’on a fait jusqu’ici. C’est pour cette raison que la grammaire traditionnelle préfère donner normalement la priorité au membre extensif (ou le plus extensif) d’une catégorie : on commence l’inventaire des cas avec le nominatif, l’inventaire des temps avec le présent, etc. En réalité il faudrait faire le contraire, vu que c’est le membre intensif (ou le plus intensif) qui est typique de la catégorie et qui permet d’en déterminer le plus facilement son contenu significatif (comme Otto Jespersen l’a dit, par exemple, le présent est « atemporel », c’est-à-dire qu’il peut indiquer n’importe quel temps, ou mieux il peut remplacer une ou plusieurs autres formes de temps verbal, parfois même toutes. On ne pourra jamais saisir la signification du temps grammatical en se bornant principalement au présent).

27Dans les langues les plus connues, où il y a un masculin et un féminin, il est normal que le féminin soit le membre intensif et le masculin le membre extensif : la forme masculine peut remplacer la forme féminine ou peut se présenter comme « genre commun » incluant les deux formes à la fois, tandis que normalement le féminin ne peut jamais se substituer au masculin (d’un certain point de vue, l’allemand présente des participations ultérieures, admettant la possibilité de substitutions alternativement réciproques : die Katze inclut à la fois der Kater et la femelle dans la commune indication de l’espèce, tandis que der Hund inclut à la fois die Hündin et le mâle dans l’indication commune de l’espèce). Ce rapport, notamment celui entre le pronom indicatif et le nom, est bien connu dans plusieurs langues (tout comme en danois, où le pronom et le nom sont les seuls mots qui permettent de distinguer masculin et féminin). Le russe va bien au-delà, comme on peut l’observer sur la base de quelques curieux exemples mentionnés par Holger Pedersen (Russisk Grammatik, p. 42). Mais, pour illustrer autrement ce rapport, je pourrais me borner à choisir arbitrairement quelques bévues dans la loi n. 276 du 30 juin 1922 qui énonce les modalités pour contracter ou annuler un mariage : « dans le cas où l’un des parents est déclaré irresponsable ou incapable, ou dans les cas où il se trouve en dehors de la tutelle des parents, ou dans les cas où son accord ne peut pas être donné sans des contestations particulières ou des délais, l’accord de l’autre est à considérer suffisant ». « Chacun des mariés devra délivrer une déclaration écrite de bonne foi dans le cas où il a contracté un mariage précédent ». « Les deux mariés devront délivrer une déclaration écrite de bonne foi dans le cas où il a des enfants en dehors du mariage, pour lesquels l’obligation de maintien total ou partiel lui incombe ». Il en vaut de même pour les §§ 43 et 44. Quelle difficulté, si on devait spécifier à chaque fois « il ou elle », comme Kumbel l’a fait dans sa brève composition que j’ai mise en citation de cet article. Kumbel, pourtant, avait certainement ses raisons, ne serait-ce que pour le fait que, autrement, le vers n’aurait pas eu assez de pieds ou pedes. Du reste, il est évident que l’on peut dire « il ou elle » ; mais ce qu’il y a d’intéressant, c’est que dans ce cas on se borne à utiliser « il ». De plus, il est encore plus intéressant de voir que si, d’une part, on peut utiliser « il », de l’autre l’utilisation de « elle » est exclue. Voilà un exemple-clef de ma « participation ».

28En danois standard les deux genres grammaticaux du masculin et du féminin – qui ne se trouvent que dans les pronoms personnels sujets hun et han (même si, à proprement parler, il ne s’agit pas de vrais pronoms, vu qu’on peut avoir des termes comme en hun, hunnen, hunner(ne) et han, hannen, hanner(ne)) – ne s’utilisent que pour indiquer le genre naturel (sexe), abstraction faite de certains cas où l’on dit han pour un chien et hun pour un chat, là où le sexe de l’animal n’est pas significatif par rapport au contexte ou à la situation. Il en va de même pour l’anglais, bien que le domaine d’application de he et she soit plus ample (on peut utiliser she pour indiquer un vaisseau, etc.). Pour qui provient d’un tel état linguistique, les différents états (comme par exemple en allemand, en français et dans les dialectes danois des régions de Vendyssel, de Fyn et d’autres) dans lesquels on peut indifféremment utiliser il ou elle pour n’importe quel objet, même quand il n’est pas question de sexe, sont extrêmement déroutants. Pour celui qui partage cette conception, le fait qu’en allemand la chaise et la table soient « masculins » mais « féminins » en français doit apparaître comme une absurdité naïve et enfantine.

29Mais, à bien y réfléchir, il faut avouer que ce n’est pas du tout exact que dans ces états linguistiques on puisse utiliser il ou elle pour n’importe quoi, ou que n’importe quoi soit indiqué par un « genre féminin » ou par un « genre masculin », ou encore que dans le passé de ces langues on ait considéré les chaises, les tables etc. en tant qu’être vivants dotés d’un propre sexe naturel. En tout cas, cela me semble une absurdité. En réalité, il s’agit d’une équivoque qui a eu des conséquences terribles sur la linguistique. L’équivoque n’est pas née forcément ni exclusivement chez les scientifiques dont la langue maternelle avait la même structure que le danois national ou l’anglais, mais elle apparaît aussi chez les Allemands et les Français, car en allemand et en français aussi la désignation des deux sexes naturels et biologiques par le genre grammatical est l’application la plus tangible, et cela précisément dans les domaines où cette utilisation semble être bien motivée. On a donc essayé de considérer toutes les autres utilisations comme une sorte de personnification ou de « sexualisation » de tout ce qui nous entoure, et puisque cela ne pouvait pas être prouvé dans les communautés linguistiques historiquement connues, on a été forcé de postuler qu’il s’agissait d’un vestige bizarre d’un passé lointain qu’on traînait avec des représentations magiques et animistes.

30Avec le féminin et le masculin de ces langues, on devrait faire la même chose que ce qui a été fait en danois pour le commun et le neutre, c’est-à-dire regrouper et analyser tous les couples de termes opposés afin d’examiner sur quoi repose la différence de signification – à condition de ne pas renoncer à trouver un contenu significatif, ce qui est toujours scientifiquement inacceptable. Il vaudrait mieux traiter les désignations du genre naturel du féminin et masculin comme des exceptions, c’est-à-dire comme des utilisations parti|culières d’un principe plus ample. Je ne crois pas qu’il soit possible de parvenir à motiver toutes les utilisations de ces deux genres, et je sais aussi qu’il y a des raisons de nature historique, très anciennes, à la base de la répartition des mots selon ces deux genres, c’est-à-dire à la base du fait qu’en français par exemple « le soleil » soit un masculin et « la lune » un féminin, tandis qu’en allemand c’est justement le contraire. Mais cela pourrait aussi être dû au fait que « le soleil » et « la lune » permettent à la fois les deux conceptions entre lesquelles les communautés linguistiques ont fait le choix.

31Si l’on considère les substantifs, qui peuvent se présenter au masculin comme au féminin, en dehors de leur domaine d’acception d’êtres vivants sexualisés (comme dans le cas de l’allemand die See, der See) dans les langues qui utilisent le féminin et le masculin pour désigner des objets biologiquement asexués ou inanimés (comme l’allemand ou les langues romanes, mais en réalité comme la plupart des langues indoeuropéennes), il me semble assez plausible que le même principe, utile pour déterminer le contenu significatif du commun et du neutre du danois, soit aussi utilisable d’une certaine façon pour le féminin et le masculin des langues en question. On pourrait donc supposer que l’on a ici également affaire à une opposition de consistance et que, à plus forte raison, il s’agit en premier lieu de l’opposition que l’on a appelée « expansion-concentration », bien que d’autres oppositions de consistance soient possibles (par exemple l’opposition « massif-ponctuel » ou « discret-compact »), dont deux ou trois peuvent se trouver amalgamées et englobées dans une forme d’unité supérieure. Avant de se mettre à la recherche de ces oppositions, il faudra évidemment être prêt à rencontrer des participations et à reconnaître que, lorsqu’on se mesure à des mots dans lesquels un même substantif se présente à la fois au masculin et au féminin, on s’enlise dans un domaine moins motivé dans lequel on ne peut s’attendre d’avancer que par une généralisation tirée des expériences que ces couples de mots nous donnent.

32Il me semble qu’en allemand et (peut être dans une large mesure) dans les langues romanes, tout comme dans les différentes langues qui présentent des distinctions similaires, il est raisonnable de supposer qu’entre les deux genres c’est le féminin qui se laisse déter|miner comme la forme désignant principalement la représentation de ce qui est expansif ou qui contient en soi une possibilité d’expansion, et est souvent conçu comme la forme qui montre tout cela de façon plus claire. De ce point de vue le masculin est plus fréquemment extensif : c’est-à-dire qu’il peut souvent remplacer le féminin, même s’il est principalement utilisé pour désigner la représentation de ce qui est concentré, qui contient en soi une possibilité de délimitation, de fermeture et est souvent considéré comme la forme qui montre tout cela d’une façon typique. Cette idée est adéquate pour l’allemand die See, « la mer », en tant qu’opposé à der See, « le lac », ou à die Flur, « le champ », en tant qu’opposé à der Flur, « l’antichambre, l’entrée » (avec participation, comme indiqué). Cependant en allemand, abstraction faite du domaine de l’indication du sexe biologique, il n’existe que quelques couples de tels mots, et il ne s’agit pas forcement de mots lexicalement différents (c’est-à-dire d’homonymes purs). Du reste il est intéressant de noter que, même dans le domaine des indications du sexe biologique, en allemand il y a peu de couples de mots de ce type. Au contraire, les langues romanes présentent un nombre bien plus vaste d’exemples. Les mots français journée, année, matinée, soirée et surtout les désinences en -ée, qui sont féminines, désignent évidemment tout ce qui est répandu, ce qui a une durée ou un contenu, en opposition à jour, an, matin, soir (qui sont le plus souvent extensifs, même si le français est une langue généralement peu encline aux participations). Les langues romanes ont surtout une grande quantité d’augmentatifs, qui sont féminins, en opposition aux non-augmentatifs, qui sont masculins ; il s’agit d’un fait sur lequel Bengt Hasselrot a spécifiquement attiré l’attention : cf. la forme italienne coltello (masculin) par rapport à coltella (féminin, grand couteau), et ainsi de suite. Si l’on essaye de généraliser ultérieurement, il serait difficile de nier que l’utilisation des deux genres ne s’accorde assez bien avec notre supposition. Si l’on analyse les termes qui dans les langues indo-européennes correspondent à la « main », on s’étonnerait d’observer qu’il s’agisse le plus souvent d’un mot féminin (bien que le mot change dans les diverses classes linguistiques de sorte qu’il n’est pas possible d’établir un terme indo-européen commun pour « main » : cela dépend possiblement des différentes représentations magiques de la main, en tant que bénis|sant, caressant, menaçant ou tuant – représentations qui ont placé un tabou sur les significations, en les remplaçant par des autres) : c’est ainsi par exemple en grec, dans les langues slaves et baltiques, en latin et aussi en français (la main) et en allemand (die Hand). Ces faits, en soi très intéressants, donnent à penser : la main est féminine à cause de sa force expansive. Mais elle l’est aussi à cause de son déploiement purement physique : ces désignations, là où elles s’opposent à un mot indiquant la main fermée, indiquent une main étirée, ouverte, dont la paume est visible (et, s’il y a un autre mot pour indiquer la paume de la main, celui-ci est souvent féminin, comme en français, mais aussi en latin : palma). Si l’on veut utiliser la désignation qui se réfère à la main fermée, pour en souligner la perception purement physique ou l’image mentale d’un objet renfermé ou concentré, il s’agira (dans la plupart des cas) d’une désignation masculine, comme en latin (pugnus) et en français (le poing). Si au contraire on veut souligner la perception de la main fermée ayant toutefois une puissance expansive, avec la possibilité et la capacité de s’étendre, le mot devient féminin, comme en grec ou en allemand (die Faust). De plus, en latin on peut prendre comme exemple le mot dies, « jour », qui est généralement masculin (cela est plus évident au singulier) mais qui devient féminin en assumant la signification particulière de « une période de temps, un délai » (longa dies « une longue période de temps »), c’est-à-dire quand il signifie ce qui a une extension majeure ou qui se répand au-delà du simple jour, plus strictement circonscrit. Dans ce contexte, il ne faut pas négliger le lien évident entre les « mots abstraits » et le féminin, comme par exemple dans le cas de plusieurs termes latins qui désignent un état, une action, une qualité, comme « espérance », « victoire », « justice », etc. On songe aussi, par exemple, à la règle grammaticale que tout le monde connaît depuis l’école, selon laquelle en allemand les mots qui terminent en -heit, -keit, -schaft et -ung sont toujours féminins. Dans ce cas, l’« abstrait » est ce qui est expansif, qui est purement conceptuel et qui contient une puissance, une possibilité de déploiement, une capacité d’expansion propre de ce qui est en quelque sorte informe ou flou, ou de ce qu’on appelle ainsi. Le rapport étroit entre le féminin singulier, le neutre pluriel et les substantifs abstraits dans les langues indo-européennes est très connu depuis l’œuvre capitale de J. Schmidt sur le neutre (1889).

33Est-il donc possible de considérer l’utilisation du sexe biologique comme une utilisation particulière des concepts généraux d’expan|sion et de concentration ? C’est évident en effet que ce qui carac|térise les deux sexes naturels n’est pas en soi un fait purement bio|logique et anatomique, mais plutôt la conception qu’une commu|nauté linguistique donnée en a. À cet égard, il faut se méfier du procédé qui consiste à faire remonter cette conception exclusivement au passé, possiblement lointain ou hypothétique, gouverné par des représentations différentes de celles des modernes – passé à partir duquel la classification des genres grammaticaux aurait pu se conserver en tant que simple survivance dépourvue de sens. Si le masculin et le féminin ont vraiment un contenu significatif – comme il nous semble possible d’affirmer – il faut tenir compte du fait que ce contenu peut remonter à la conscience à tout moment et qu’il peut être utilisé d’une ou de l’autre façon : en effet, le fait qu’en français le soleil soit masculin et la lune féminine, et qu’en allemand ce soit l’inverse, n’est pas sans importance pour les utilisations poétiques (dans les « personnifications partielles ou totales »).

34Dans les conditions sociales historiques auxquelles on fait aujourd’hui encore référence lorsqu’il s’agit de prendre parti sur cette question et qui ont apparemment dominé dans la zone indoeuro|péenne (comme du reste aussi dans des zones plus vastes du monde ancien), c’est un fait que, pour ce qui concerne les êtres humains et les autres vivants dont la différenciation du sexe biologique ait une quelque relevance pour la société humaine, le mâle et la femelle puissent être conçus chacun de leur propre manière à la fois comme expansifs, c’est-à-dire avec la capacité de se déployer, ou bien comme concentrés, avec la capacité de se renfermer sur soi. Cependant, la conception qui dans les sociétés en question est évidente et dominante, comme aussi dotée d’un intérêt pratique, est celle selon laquelle la femelle est principalement considérée comme l’être qui donne la vie, qui procrée, qui nourrit, qui crée un milieu, une famille, un foyer ou un nid, et donc dotée d’une puissance créatrice ou expansive, tandis que le mâle a des autres tâches plus variées, de sorte qu’il est plus facilement associé au genre extensif, c’est-à-dire le masculin.

35Si cette généralisation doit sembler audacieuse, si ces consi|dérations semblent hardies, qu’il me soit permis de dire que je connais d’autres théories sur le genre et le sexe qui le sont même davantage.

36En tout cas, l’effort d’attribuer un contenu significatif au masculin et au féminin ne doit pas se borner exclusivement à la diffé|rence biologique des sexes, mais doit aussi tenir compte de la conception que la communauté linguistique en a, dans une perspective la plus vaste possible, sans se perdre en abstractions trop éthérées et inconsistantes : l’hypothèse doit être vraisemblable. C’est bien ce que j’ai essayé de faire sommairement ici. Il faut avouer, cependant, qu’à partir de ces suppositions, on rencontre dans le vocabulaire un domaine assez ample où il ne sera pas possible de montrer la motivation du genre grammatical. Il s’agit toutefois d’un domaine quand-même plus restreint que celui des théories traditionnelles ou freudiennes.

    Notes

  • 1 [« Taking fun as simply fun / and earnestness in earnest / shows how thoroughly thou none / of the two discernest ». Il s’agit d’un gruk, une composition entre l’aphorisme et l’épigramme inventée par Piet Hein (1905 – 1996), écrivain, artiste et scientifique éclectique danois, connu aussi sous le nom de Kumbel, le pseudonyme qu’il utilisait pendant la période de l’occupation du Danemark par l’Allemagne naziste. Le gruk cité ici, appelé « des jumeaux éternels », est parmi les plus fameux].
  • 2 [« Om numerus og genus » (1956), L. L. Hammerich et al. (éds.), Festschrift til Christen Møller på 70-årsdagen 11 juni 1956, Copenhague, Borgen: 167-189].

Publication details

Published in:

Hjelmslev Louis (2022) Essais et communications sur le langage, ed. Cigana Lorenzo. Genève-Lausanne, sdvig press.

Pages: 406-426

Full citation:

Hjelmslev Louis (2022) „Nombre et genre grammaticaux“, In: L. Hjelmslev, Essais et communications sur le langage, Genève-Lausanne, sdvig press, 406–426.